Mangouste Contre L'Organisation – Cadavres Au Détail Aux Amériques

Mangouste

Vous vous souvenez ?

J’ai raconté dans un premier épisode ses aventures ici. Relisez-le pour mieux suivre celui-ci.

Mangouste, la tueuse de serpents, la tueuse éthique.

Mangouste, le nom de code de Chloé Maurecourt, est une tueuse à gages qui a des principes. Elle n’exécute les contrats que ses commanditaires lui proposent que si elle estime que ses futures victimes le méritent.

Elle a des principes et émet des jugements sur la société d’aujourd’hui. Elle a une vision du bien et du mal assez précise.

Les méchants, pour elle, ne sont pas ment toujours ceux que l’on croit.

Voici la suite de ses aventures. Mangouste Saison 2, épisode 1 :

MANGOUSTE CONTRE L’ORGANISATION – Cadavres au détail aux Amériques



« Game over Baby », dit Mangouste en plongeant son poignard à lame de 25 centimètres dans le ventre de Sergueï.

L’homme a tenté d’aspirer une goulée d’air. Il a juste tenté. Il n’a réussi qu’à hoqueter et à s’.

Un filet de salive rougi se mit à couler de sa bouche jusqu’à son menton. Il a essayé aussi d’articuler quelque chose. Mais juste un gargouillis a pu sortir de sa bouche grande ouverte :

- Tu disais Sergueï ?
- Tu m’avais dit que …
- Que quoi Sergueï ? J’ai du mal à te suivre, articule et termine tes phrases. Sinon, on ne va pas y arriver …
- Que si je te disais ce que je savais …Tu me laisserais en vie…
- Oui, je sais Sergueï. J’ai dit ça. Mais j’ai menti. Désolée.

Mangouste eut juste le temps de retirer son poignard et de s’écarter avant que le salopard ne s’écroule sur le sol, à ses pieds, face contre terre.

Elle a repoussé du bout de sa botte, le corps inerte afin de vérifier s’il respirait encore.

Manifestement, non, il a rendu l’âme.

La poussière du désert buvait avidement la flaque de sang échappée de la plaie.



« Une pourriture en moins sur la terre », se dit Mangouste en se baissant pour nettoyer sa lame sur la chemise de Sergueï et avant de le ranger dans son étui, accroché à sa ceinture.

Elle a rechaussé ses lunettes à verres miroir. Elle les a retiré, malgré le soleil presque au zénith, parce qu’elle a souhaité que Sergueï puisse voir ses yeux au moment de mourir.

Elle est retournée vers son véhicule qui l’attendait à quelques mètres. Elle avait envie de partir de là, avant que ce foutu soleil ne devienne trop dur à supporter.

De plus, Juanita, la belle Juanita, l’attendait dans sa chambre, dans cet hôtel pourri de Santa Rosita.

Juanita n’avait plus rien à craindre de ce connard de Sergueï. Mais d’autres salauds étaient encore tapis dans l’ombre, prêts à bondir.
Et ça tombe bien, avant que Mangouste ne plante son poignard dans Serguei, ce salaud, croyant encore pouvoir sauver sa peau, avait lâché un nom. Le nom de celui qui était au-dessus de lui dans l’organisation.



Comment en est-on arrivé là ? Revenons au début de cette histoire.


ENFIN AU DÉBUT … UNE HEURE AVANT D’ABORD :

C’est grâce à Juanita que Mangouste a retrouvé la trace de Sergueï. Juanita, l’ex-maitresse officielle de Sergueï, s’était vue signifier la séparation par quelques coups. Mangouste avait soigné les bleus à l’âme mais aussi au visage de Juanita. Elle lui avait promis de revenir après avoir rendu à Sergueï, la monnaie de sa pièce. Un peu plus que la monnaie, mais ça elle l’a gardé pour elle… Inutile d’effaroucher la belle.

Elle a trouvé un véhicule qui pouvait l’emmener de Santa Rosita au bled pourri sans nom où se terrait Sergueï. Enfin, un véhicule … un vieux pick-up rouillé, qui avait dans un autre temps été jaune et a été utilisé pour le transport de la bière Sol, d’après les lettres décolorées et à moitié arrachées sur son flanc :

- C’est le meilleur véhicule à vendre du coin, lui dit le garagiste.

- Hum, le meilleur ? Ça ne donne pas envie de voir les autres. Mais bon, puisqu’il n’y a que ça ! Combien ?
- 500 $ …
- 100 pas plus !
- OK Señorita.

Mangouste pénètre dans le bar perdu au milieu de nulle part, enfin un bar … Il s'agit plutôt d’une cahute à toit plat qui fut blanche il y a longtemps, avec une pancarte en bois à moitié arrachée et tenant de guingois, où est marqué « cantina», juste en bordure de la forêt de cactus.

En entrant, elle baisse ses lunettes de soleil et regarde autour d’elle.

Elle s‘approche du bar et du gros type bouffi qui se tient derrière. Il est vêtu d’une chemise ouverte sur un maillot sans manche pas très net, crasseux, même on peut dire :

- Sergueï ?
Il est en train d’essuyer des verres avec un torchon plein de tâches. Il hausse les épaules et se détourne. Manifestement, il n’est pas serviable.

Mangouste l’att par les cheveux et plaque sa joue sur le dessus du bar. Elle regrette aussitôt son geste, vu la couche de gras qui recouvre les dits cheveux.

- Sergueï por favor ? dit-elle en articulant et en détachant chaque syllabe et en approchant son visage du sien.

Elle regrette à nouveau, il a l’haleine d’un chacal croisé avec un coyote.

Elle le relâche aussitôt et s’empare du torchon pour s’essuyer la main. Puis, elle l’att à nouveau, cette fois par le col de chemise, et en gardant une certaine distance.

Le type ouvre grand la bouche. Pour l’inciter à parler, et pour qu’on en finisse, Mangouste écarte légèrement sa veste militaire kaki, pour lui laisser entrevoir le holster attaché à son épaule d’où dépasse la crosse de son pistolet automatique.

Elle lui dit d’une voix détachée en espagnol :

- C’est un Sig Sauer P226 X-Five de calibre–X19mm. Il offre une capacité de 15 coups. En version sportive, il est conseillé pour les adeptes de tir sur cible ou de tir de compétition par exemple.
Celui-ci n’est pas une version sportive. Contrairement au modèle sport, il peut compter sur son canon de 5 pouces lui permettant d’améliorer sa précision et sa ligne de visée. Bon, à bout portant, ça ne change pas grand-chose, hein ? Il est spécialement conçu pour moi. J’ai fait ajouter une crosse en nacre et je l’ai voulu de couleur argentée. Classe non ? Ce pistolet fait partie des armes les plus efficaces au monde, destiné aux tireurs, mais aussi aux tireuses donc, les plus exigeantes. Où est Sergueï disais-je ?

Le type désigne des yeux une porte au fond de la pièce.

Les quelques péons présents au bar, sont sortis précipitamment, laissant derrière eux leurs bières chaudes.

- Gracias Amigo, lui dit Mangouste en le lâchant.

Elle se dirige vers la porte, avant d’y arriver elle se retourne et dit au type avec un grand sourire :

- Dos Tequila Boum Boum, por favor.

Mangouste ouvre la porte, prête à saisir son arme au cas où.

Dans la pièce à l’arrière, une armoire à glace ressemblant à la photo que lui a montrée Juanita est assis derrière une table. C’est bien Sergueï, pas de doute. Un verre de bière à moitié vide devant lui, il est en train de faire une réussite avec un jeu de cartes :

- Salut Sergueï, lui dit Mangouste en français.
- T’es qui toi, lui rétorque Sergueï avec un fort accent russe.
- Pas une amie, je te confirme, insiste Mangouste en s’asseyant en face de lui.
- Et qu’est ce toi vouloir ?
- On dit qu’est-ce que tu veux savoir, mon petit Sergueï, pas « qu’est ce toi vouloir ».

Notre ami le barman entre une bouteille de tequila, une bouteille de tonic et deux verres dans la main droite. Une assiette avec un petit tas de sel et des quartiers de citrons verts dans la gauche.

Il pose un verre devant Mangouste et un autre devant Sergueï. Mangouste s’empare du verre et le place devant la lumière de l’ampoule qui pend au plafond.


- Mouais, pas trop propre, mais la tequila tue les microbes, on va dire …

Le barman, arborant un sourire niais, remplit à ras-bord les deux verres, à moitié de téquila d’abord, puis de tonic ensuite :

- Gracias, maintenant du balai, faut que je discute avec Sergueï. Ah, laisse la bouteille.

Mangouste prend une pincée de sel qu’elle dépose sur le dessus de sa main fine. Elle imbibe le sel de jus de citron pressé. Elle se saisit du verre de téquila, qu'elle couvre de sa paume gauche, et le frappe assez fort sur le dessus de la table. Elle boit « cul sec » pendant que le breuvage mousse. Ensuite, elle lèche le sel imbibé de citron sur le dos de sa main et enfin, croque le morceau de citron restant, comme le veut la tradition.

- Ah, ça ravigote ! Tu ne bois pas Sergueï ?



UN MOIS AUPARAVANT :

Chloé Maurecourt venait de recevoir un mail de ce site de vente de lingerie sur internet.

Ce mail lui signalait qu’un contrat était proposé à Mangouste, son pseudonyme de tueuse à gages (voir l’épisode précédent, pour plus de détails).

La cible ? Victor Hamon, un journaliste. Elle ne savait pas qui était Victor Hamon. Les recherches qu’elle fit lui apprirent que ce Hamon était un journaliste d’investigation, travaillant actuellement sur les liens entre pouvoir politique, monde des affaires et de la finance et organisations criminelles. Si on en voulait à sa peau, surement avait-il découvert des choses compromettantes pour certaines personnes bien placées.

A priori, pas le genre de contrat que Mangouste acceptait. Elle refusa donc la mission et le fit savoir à son contact habituel, celui qui lui avait envoyé la proposition de contrat.

Par contre, si Mangouste se retirait, Chloé Maurecourt voulait en savoir un plus sur ce Victor Hamon.

Elle a décidé de le croiser de visu afin de voir qui il était vraiment. Il devait participer à un congrès dans les salons d’un hôtel prestigieux le lendemain. Il suffisait que Chloé se trouve au bar de l’hôtel et de s’arranger pour croiser son chemin. En séductrice chevronnée, elle était sûre d’elle. Il suffisait qu’il la voie. Son goût pour les femmes était son point faible. C’est ce qu’elle avait glané sur internet.

Son regard bleu profond, ses cheveux blonds et la robe noire qu’elle portait près du corps et largement fendue sur sa cuisse, feraient le reste.

Pourtant quand elle croisa le regard sombre de Victor Hamon, elle fut bizarrement émue. Émue comme elle ne l’a plus été depuis longtemps. Lui aussi apparemment puisqu’il choisit de s'asseoir à la même table qu'elle dans le fauteuil d’à côté, en s’excusant et en prétextant le monde présent au bar. Il engagea la conversation avec Chloé au bout de quelques minutes.

Sa voix chaleureuse, ce fameux regard lui firent oublier le motif de sa présence ici. Elle était sous le charme !

- Vous reprenez un verre ? , lui dit-il. Mademoiselle ?
- Chloé, appelez-moi Chloé, le cocktail de 007 pour moi, au shaker, pas à la cuillère,

Bien évidemment, il lui a proposé de la raccompagner, « vu l’heure tardive », puis de prendre un dernier verre à son appartement.

Ils burent ce dernier verre assis l’un à côté de l’autre sur le canapé, la Nocturne N°20 de Chopin en fond sonore. Ils passèrent les heures suivantes à se raconter leurs vies, enfin lui seulement. Chloé, quant à elle, hormis son activité officielle d’artiste peintre, lui raconta des bobards sur sa propre vie. Elle finit par poser sa tête sur son épaule.

Chose rare pour elle, qui est toujours dans la maitrise, elle lâchait prise. Elle se laissait bercer par ses paroles. L’expérience qu’elle avait des hommes pouvait lui laisser croire qu’il ne la baladait pas et qu’il était sincère.

« Pas très professionnel tout ça », pensa-t-elle en l’embrassant et en l’attirant vers elle, un bras autour de son épaule.

C’est tout naturellement qu’elle se retrouva dans son lit. Ils ont fait l’amour jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Ils se seraient endormis dans les bras l’un de l’autre si, lorsque Victor se levant pour aller chercher la bouteille de champagne et les deux flûtes pour les ramener, ne s’était pas retrouvé un point rouge lumineux au milieu du front.

- Nooon, cria Chloé.

Trop tard, Victor fut projeté en arrière après que la baie vitrée eut volé en éclats. Il gisait mort sur la moquette, une tache de sang s’agrandissant sous lui.

Chloé redevint Mangouste en moins de deux secondes, elle s’est laissé glisser du lit pour se protéger derrière. A priori le tireur n’en voulait qu’à Victor, puisque le point rouge a disparu de la pièce aussitôt après l’avoir balayé une dernière fois.

Ils faisaient le ménage. Un autre tueur a été envoyé pour s’occuper de Victor. S’il faisait le ménage, à coup sûr, elle était la prochaine sur la liste. Ils ne devaient pas savoir qu’elle était là. Sinon, elle serait morte également. Elle aurait été la première cible du tireur même.

De deux choses l’une, où elle laissait faire les choses et risquait de se faire éliminer parce qu’ils finiraient bien par la retrouver. Malgré sa couverture, ce n’était qu’une question de temps. Ou bien elle réagissait et c’est elle qui allait effacer les commanditaires du contrat. Tout naturellement, elle opta pour cette seconde possibilité.

Comment ? Déjà voir avec son contact, s’il ne pouvait pas lui fournir des renseignements.

Son contact ? Elle n’était pas censée le connaître. Dans ce milieu, chaque niveau est cloisonné. Personne ne connaît l’identité de l’autre.

Sauf que son contact, elle le connaissait depuis longtemps. C’était même devenu un ami au fil du temps. Pierre Le Gall, officiellement propriétaire d’une galerie d’art à Paris, à Saint-Germain-des- Prés. Officieusement, un intermédiaire entre commanditaires et exécutants. Il habitait une villa près de Rambouillet.

Elle a récupéré les clés de l’Aston Martin DBS Superlegerra de Victor. Il y avait peu de monde si tôt un dimanche matin sur l’autoroute de l’Ouest. Elle poussa les chevaux de la belle anglaise. Le compteur affichait 285 km/h.

Arrivée devant la propriété de Pierre Le Gall, Mangouste a repéré aussitôt la Mercedes sombre garée sur le bateau de la grille d’entrée :

- Ils sont déjà là ! Pas discrets les gugusses. Trop sûrs d’eux peut-être ! Pas bon pour eux ça.

Elle sortit son Sig-Sauer de son sac à main et s’avança en silence entre les buissons du parc qui entourait la demeure de son ami. Arrivée devant la bâtisse, elle jeta un regard par la fenêtre. Pierre était maintenu au sol par un type habillé comme un ninja. Un autre type dans la même tenue se trouvait debout derrière :

- Manquait plus que ça, on se croirait au carnaval de Dunkerque !

Le type debout, s’adressa à son collègue avec un fort accent allemand:

- Vas-y doucement Hans, il faut qu’il parle. Tu l’as presque tué !

« Être habillé en ninja et se prénommer Hans ? Ridicule ! »

- Et toi, parle … Où se trouve Mangouste ?
- Je ne sais pas … Vous savez comme moi que dans le métier, personne ne se connaît … tout est…
- Cloisonné … Mangouste se tenant dans l’embrasure de la porte, termina la phrase commencée par Pierre.
- C’est Mangouste, on la tient, vas-y Otto, choppe la, cria Hans.

Otto dégaina un sabre japonais et s’approcha de Mangouste en le faisant tournoyer autour de lui :

- Elle va déguster Hans, c’est pas pour rien qu’on pratique les arts martiaux !

Un rictus déforma la jolie bouche de Mangouste :
- Impressionnant et assez esthétique. J’aurais bien relevé le défi, je pratique aussi les arts martiaux, le Bagua Zhang, le Chuo Jiao, notamment, mais surtout le Hung Ga. Mais on n’a pas de temps à perdre avec ces conneries, dit Mangouste en tirant une balle dans la tête d’Otto puis une autre aussitôt dans celle de Hans.
- Et puis avec ma robe fendue et mes escarpins, pas l’idéal pour un combat dans les règles …

Mangouste s’est approchée de Pierre, toujours au sol. Un rictus déformait son visage. Il était mourant.

- Les salauds !
- Je suis désolé de t’avoir mise dans ce pétrin Chloé. Je n’aurais pas dû faire appel à toi pour ce contrat. Ils nettoient derrière eux. Fais attention Chloé, ils sont redoutables. Tu ne peux pas grand-chose contre eux ….
- Qui est ton contact auprès d’eux?
- Sergueï…
- Sergueï ?
- Protège tes arrières Chloé, ce type est dangereux, un vrai serpent.
- Ça tombe bien les serpents c’est ma spécialité.
- Un ancien du KGB, un spetsnaz, un membre des forces spéciales, un tueur. Il a sévit en Bosnie, au Kosovo et avant ça en Afghanistan. Après la chute du mur de Berlin, il s’est vendu aux plus offrants, Un mercenaire. Il fait partie de l’Organisation maintenant.
- L’Organisation ?
- Ils se font appeler comme ça, une sorte d’internationale des mafias mondiales. Europe de l’est, Asie centrale, Yakusas, Triades, barons de la drogue en Amérique du Sud, mafias du sud de l’Italie, Etats Unis, côte est, côte ouest.
- Où je trouve ce Sergueï ?
- Sergueï n’est qu’un pion. Mais tu le trouveras au Mexique. Il est le représentant local de l’organisation auprès des cartels de la drogue. Il est tellement sûr de lui, de la puissance de ses employeurs, qu’il ne se cache même pas. Le pays est tellement corrompu qu’il croit qu’il est intouch …

Telles furent les dernières paroles de Pierre. Victor juste avant, Pierre maintenant. « Ces pourritures vont le payer, » se dit Chloé « Et ce Sergueï en premier ».

C’est ainsi que Mangouste était remontée jusqu’à Sergueï et qu’elle l’effaça de la surface de la terre.

Mais avant cela, Sergueï avait lâché le morceau. Le nom de celui qui était au-dessus de lui dans l’organisation. Le véritable commanditaire du contrat. Celui qui a fait assassiner Victor Hamon et son ami Pierre Le Gall. Celui qui a lancé ses tueurs aux trousses de Mangouste. Sergueï n’était qu’un intermédiaire, un soldat, de la piétaille.

Ange-Battistu Morales. A moitié corse par sa mère à moitié vénézuélien par son père.

Retrouver cet Ange-Battistu Morales n’avait pas été trop compliqué. C’est un homme d'affaires qui avait fait fortune dans l’exportation de la figue séchée et de la farine de chataigne à travers le monde. Il réside désormais à Beverley Hill dans une villa cossue ayant appartenu à une star d’Hollywood.

Chloé a arrêté sa Harley-Davidson vintage devant la villa. Au moment où elle tirait le terrible engin sur sa béquille, une jeune femme sortit en pleurs :

- Qu’est-ce qui vous arrive Mademoiselle ?
- Je l’ai rencontré hier dans une boite renommée, il m’a fait croire qu’il était producteur de cinéma, qu’il s’appelait Harvey Winston et qu’il avait un rôle pour moi …
- Le type là-dedans ?
- Oui …
- Et ?
- Et il m’a juste sautée et ce matin il vient de me jeter dehors. Il n’est pas producteur de cinéma … En plus, il m’a mis une paire de baffes, parce qu’il ne supportait pas mes jérémiades …
- Tu t’appelles comment ?
- Melody …
- Melody comment ?
- Melody Carlson…
- Attends-moi là, je reviens. Je vais régler ça. J’en ai pour une petite heure, à peine.
- Oui, merci.
- Et surveille ma moto, j’y tiens. On se retrouve après, je saurais te réconforter, ma belle.

Chloé était en train de se demander si elle avait une lime à ongles dans son sac pendant qu’Ange-Battistu Morales s’activait sur elle en missionnaire. Ayant observé attentivement ses ongles de la main gauche, pour passer le temps, elle a repéré qu'un d'entre eux était un peu trop long par rapport aux autres et avait besoin d’être égalisé.

L’auriculaire de sa main gauche nécessitait un petit coup de lime. Se limer les ongles, pendant que l’autre idiot essayait de la limer plutôt gauchement, un comble. Une ironie même.

Bon, qu’on en finisse se dit-elle :

- Ange-Battistu ?
- Mouais … Qu’est-ce qu’il y a ? Tu vas jouir ? Tu prends ton pied hein ?
- Euh non, je ne crois pas. J’ai une question ?
- Une question ? Tu crois que c’est le moment ?
- On s’en fout du moment Ange-Battistu ! Prenons un peu de hauteur ! Est-ce que tu connais le mythe d’Eros et Thanatos ?
- Quoi ? Eros Ramazzotti tu veux dire ? Oui, je connais, c’est un de mes chanteurs à textes préférés. Oh ça y est, moi c’est bon, j’y suis presque, ça vient ! Ça monte !
- Non tu sais, Eros et Thanatos, deux Dieux Grecs, Dieux de l’amour et de la mort. Le mythe a été vulgarisé par Freud, mais en fait développé par Platon. Il y aurait une relation étroite entre désir et mort. Platon et Freud posent ces deux pulsions comme base dans le but de rendre compte de la civilisation. Elles sont, d’après eux, constitutives de l’homme et se retrouvent comme fondement de la communauté. C’est dingue non ?
- Aaahhhh ça y est, je vais jouir … Je vais lâcher la purée.… Oh la la bordel de merde, c’est bon ! Je te pilonne là ! Hein ? Tu la sens bien ma grosse queue hein ?
- Non, pas trop … Je te parlais de ces pulsions contraires … Une pulsion de mort anime en fait chaque vivant au même titre qu’une pulsion de vie. Est-ce à dire que lorsque nous naissons nous sommes instantanément le jouet de ces deux tendances antagonistes ?
- Qu’est-ce que je t’ai mis putain, ça va j’y ai pas été trop fort ? Si hein ! Je t'ai un peu démontée hein ?
- … En d’autres termes, la vie implique-t-elle la mort ? En tant que pulsion de vie, l’Eros préside au désir amoureux, mais sous-entend également, derrière l’instinct sexuel, une quête de spiritualité voilée. Selon Heidegger, la bipolarité Eros-Thanatos ou fusion d’antinomies plutôt devrais-je dire, excuse-moi, soyons précis ! Cette fusion, donc, traduit une contradiction apparente de l’état amoureux. Si l’homme est un être de désir, il est aussi, un être porté par un élan mortifère …
- Quoi ?
- Freud va plus loin que Platon. Savais-tu, Ange-Battistu, que chez le chimpanzé, le mâle dominant, celui qui est le plus capable de est aussi celui qui attire le plus grand nombre de femelles ? Ce que veut dire Freud, c’est qu’il en va de même chez nous les humains. Les prodigieuses descendances de Gengis Khan ou d’Attila l’attestent. Ils attiraient les femmes. Et comme on sait, que chez le mâle humain, la guerre libère le droit de violer, je te laisse imaginer …. Tiens pour être concrète Ange-Battistu, ton compatriote le plus célèbre, Napoléon 1er. Savais-tu qu’il était éjaculateur précoce ? Bon sa descendance, ce n’est pas ça à Napoléon, c'est le moins qu’on puisse dire ! Tu en conviendras Ange-Battistu ! En clair, au lieu d’aller faire la guerre, il aurait mieux fait de baiser Joséphine.
- Qu’est-ce que tu racontes !! Oh putain, t’es bonne toi ! Tu vas me sucer un peu pour me refaire bander. Je vais t’en remettre un coup.
- Pour en revenir au mythe d’Eros et Thanatos, cette étroite relation entre amour et mort et par extension entre bien et mal, peut-être, est par exemple portée à son comble chez la mante religieuse. Le mâle meurt dévoré par la femelle dès qu’il a injecté son sperme !
- Quoi ? Attends, bouge pas poupée ! Je vais chercher une autre capote...

Telles furent les dernières paroles d’Ange-Battistu Morales. Mangouste sortit de sous l’oreiller un Derringer, pistolet de petite taille qui ne contenait qu’un seul projectile, mais qui à bout portant pouvait faire des dégâts considérables.

Elle le posa sur la tempe d’Ange-Battistu et appuya sur la détente.

Ange-Battistu Morales rendit l’âme sans se rendre compte de ce qui lui arrivait. Son corps flasque s'avachit un peu plus sur celui de Mangouste. Un filet de sang se mit à couler de la petite plaie à la tempe et tâcha de rouge l’oreiller sur lequel le crâne du défunt était retombé.

Mangouste repoussa le corps et se redressa

Elle remit son Lévis, son t-shirt « Born to Be Wild » et son blouson de cuir, chaussa ensuite ses bottes en crocodile. Elle a ramassé le Derringer et l’a rangé dans sa poche.

Ange-Battistu au-delà du fait d’être un piètre amant, n’était pas si malin que ça. Tous ses dossiers trainaient sur son bureau. Elle n’eut qu’à fouiller un peu pour tout savoir sur l’Organisation. Même les organisations les plus au point, ont un maillon faible. Ce maillon faible s’appelait Ange-Battistu, apparemment.

Mangouste y trouva le nom du responsable de l’Organisation pour les deux Amériques : John Jones. Un des membres du directoire de l’Organisation. Un des cinq. Un responsable par continent. Le directoire se faisait appeler « La Main ». Jones était l’index de la main.

« Restera quatre doigts à trouver après Jones. Bientôt la main ne sera plus qu’un moignon » se dit Chloé.


Melody attendait Chloé, devant l’immeuble :

- On y va, lui dit Chloé ? C’est réglé. Il regrette, il ne le fera plus. Il me l'a promis.

Chloé démarre la Harley Davidson. Melody se serra dans son dos. Elle sentit sa poitrine s’écraser sur le cuir de son blouson, et ses mains s'accrocher à ses hanches. La grosse cylindrée s’éloigna sur l’avenue. La soirée risquait d’être chaude.

Elle se mit à chantonner :

Je n'ai besoin de personne
En Harley Davidson
Je n'reconnais plus personne
En Harley Davidson

J'appuie sur le starter
Et voici que je quitte la terre
J'irai peut-être au Paradis
Mais dans un train d'enfer

Je n'ai besoin de personne
En Harley Davidson
Je n' reconnais plus personne
En Harley Davidson

Et si je meurs demain
C'est que tel était mon destin
Je tiens bien moins à la vie
Qu'à mon terrible engin

Quand je sens en chemin
Les trépidations de ma machine
Il me monte des désirs
Dans le creux de mes reins

Je n'ai besoin de personne
En Harley Davidson
Je ne reconnais plus personne
En Harley Davidson

Je vais à plus de cent
Et je me sens à feu et à sang
Que m'importe de mourir
Les cheveux dans le vent


A suivre …


A venir sur vos écrans

Les prochains épisodes de MANGOUSTE CONTRE L’ORGANISATION

Vous l’avez compris, un épisode par continent en principe.

Pour les titres de ces épisodes je vous propose de trancher et de me donner votre avis. Bon, au final, je n’en ferai qu’à ma tête, mais donnez votre avis quand même :

Pour l’Asie
Banco à Bangkok
Toccata à Tokyo
Java à Sumatra

Pour l’Afrique
Requiem pour un dictateur
L’ordre règne à Bujumbura
Voir Kinshasa et mourir
Visa pour Addis-Abeba
Panique à Yaoundé

Pour l’Europe
Viennoiseries viennoises
Embrouilles à Moscou

Pour l’Océanie
Danse Macabre à Bora Bora
Escale à Sidney
Vengeance Maori

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